Le décès d’une personne chère est une épreuve difficile. Dans certains cas, en plus de devoir composer avec ce deuil, certains des proches sont contraints de contester un legs ou le testament du défunt devant les tribunaux. Une décision qui ne doit pas être prise à la légère, car périlleuse pour le maintien des liens familiaux.
Contester un testament, mais pour quels motifs ?
Différents motifs peuvent être invoqués pour contester un legs ou un testament. Le testament a été falsifié, il est imprécis, il ne respecte pas les exigences de la loi, le legs est fait à une personne indigne d’hériter, etc.
Or, deux motifs de contestation sont à l’origine d’un grand nombre de dossiers devant les tribunaux :
- La remise en question de la capacité du défunt au moment où, de son vivant, il a signé son testament;
- Les situations de captation de la volonté du défunt (manœuvre répréhensible pratiquée par une tierce personne afin de pousser le défunt à lui consentir un avantage) au moment de la rédaction du testament en question.
Contester un testament pour cause d’incapacité du défunt
Qu’est-ce que c’est ?
Le Code civil du Québec prévoit la règle fondamentale que toute personne est capable d’exercer ses droits et de signer son testament. Cela signifie que toute personne dispose de facultés suffisantes et est en mesure d’agir pleinement et efficacement lorsqu’il est temps de poser un acte juridique.
Cette capacité peut, en quelque sorte, être présumée. L’incapacité est donc l’exception. Il appartient alors à celui qui l’allègue d’en faire la preuve.
Comment prouver l’incapacité ?
La preuve à fournir pour démontrer l’état d’incapacité d’un individu au moment de signer son testament n’a pas à convaincre un juge hors de tout doute de cet état d’incapacité.
La preuve soumise doit plutôt convaincre par prépondérance de preuve (50%+1), que l’état d’incapacité est plus probable que l’état de capacité.
Malgré tout, la jurisprudence vient apporter un tempérament important à la preuve d’incapacité. Les tribunaux tendent aujourd’hui à reconnaître qu’en présence d’une preuve crédible d’incapacité prima facie (se traduisant « preuve à première vue »), le fardeau de preuve est alors déplacé sur les épaules de celui qui plaide que l’individu était dans un état de capacité lors de la signature de son testament.
Est-ce que le défunt jouissait suffisamment de ses facultés intellectuelles pour comprendre la portée des dispositions testamentaires en question au moment où il a signé le testament?
C’est la question centrale qu’un tribunal devra analyser pour apprécier le degré de capacité d’un individu au moment de signer son testament.
Il va de soi qu’advenant la contestation judiciaire d’un legs ou d’un testament, le défunt ne sera pas là pour témoigner à propos de sa capacité et de son état intellectuel au moment où il l’a rédigé.
Généralement, la preuve présentée dans le cadre de ce type de dossiers repose sur les témoignages de gens de l’entourage, des témoins de la signature du testament et d’experts médicaux qui suivaient l’évolution du défunt avant son décès.
Réfuter la preuve de l’incapacité
Pour contredire celui qui allègue l’incapacité du testateur, la personne qui plaide la capacité de tester et qui souhaite le maintien d’un legs ou d’un testament peut démontrer, par les mêmes moyens de preuve que son adversaire, que le testament a été signé en pleine capacité du testateur.
Il peut également tenter de démontrer, lorsque le tribunal tend à conclure à un certain état d’incapacité, que le testateur a consigné ses dernières volontés lors d’une période de lucidité.
Au-delà des témoignages mis en preuve, celui qui réfute l’incapacité peut démontrer la raisonnabilité des dispositions testamentaires au soutien de la thèse de la capacité.
À titre d’exemple, il pourrait être opportun de démontrer au tribunal que les dispositions testamentaires sont cohérentes car elles avantagent des gens qui sont proches du défunt. Ou dans le cas contraire, que la position de la personne qui allègue l’incapacité conduit à un résultat incohérent si, par exemple, le testament a pour effet d’enrichir un tiers avec qui le testateur n’entretenait pas ou peu de liens.
Et si le testament est signé devant un notaire ?
Le notaire n’a pas pour mission d’analyser la capacité de son client lorsqu’il signe son testament, n’étant pas un spécialiste en cette matière.
Afin d’éviter d’engager sa responsabilité professionnelle, le notaire doit toutefois être prudent et explorer, au moins sommairement, la capacité mentale de son client en discutant avec lui et en le questionnant.
Si le client présente des signes d’incapacité, le notaire prudent et diligent pourrait être tenu d’interrompre la signature du testament et de demander un certificat médical.
Contester un testament pour cause de captation
Il est possible de contester un legs ou un testament dans les cas de captation de la volonté du testateur.
Qu’est-ce que la captation ?
Définie à maintes reprises par les tribunaux, la captation consiste à induire en erreur ou influencer une personne par des manœuvres illicites, voire mêmes frauduleuses, afin d’obtenir de cette personne un avantage testamentaire. Pour qu’il y ait captation, il doit y avoir la présence de manipulation(s) et/ou de mensonge(s).
Lorsqu’il y a captation, la volonté de la personne qui fait son testament a été forcée et le consentement au testament représente davantage celui de l’auteur des manœuvres illicites que celui du testateur.
La preuve requise
Celui qui allègue la captation doit en faire la preuve.
Pour avoir gain de cause et obtenir la nullité d’un legs ou d’un testament, il doit démontrer les manœuvres illicites et, également, démontrer que sans ces manœuvres, le testateur aurait prévu des dispositions testamentaires différentes.
Celui qui allègue la captation peut également démontrer au tribunal que la personne à l’origine de ces manœuvres en tire un bénéfice indu au détriment d’autres proches. Bien que cette preuve ne soit pas obligatoire, elle pourrait nettement influencer le tribunal vers une conclusion de captation.
La preuve de captation est généralement fastidieuse puisque le principal témoin des circonstances entourant la confection du testament est décédé. Ainsi, les tribunaux concluront le plus souvent à la captation sur la base de présomptions, alimentées par des témoignages de proches ou par certains écrits.
Indices fréquents
Dans l’administration de la preuve de celui qui attaque le legs ou le testament, certains indices peuvent être mis en évidence afin d’appuyer la thèse de la captation.
À titre d’exemples : une disposition testamentaire surprenante, inhabituelle ou contradictoire avec les représentations du proche décédé; la présence d’une relation de contrôle par une personne qui se trouve avantagée par le testament; un état physique ou mental vulnérable; le fait que le testament procure à une personne un avantage injustifié ou illogique; etc.
À noter que ces indices doivent la plupart du temps être cumulés pour pouvoir offrir une preuve suffisante justifiant l’annulation d’un legs ou d’un testament dans son entièreté. En effet, la seule existence d’un legs qui peut sembler farfelu ou contradictoire aux représentations faites par le défunt de son vivant ne suffit pas pour obtenir l’annulation de ce legs ou du testament.
Par contre, si un testament fait l’objet d’une modification diamétralement opposée aux dispositions initiales et qu’au surplus, de sérieux doutes existent quant à l’état de santé psychologique du défunt lors de cette modification, ces éléments cumulés pourraient constituer une preuve suffisante pouvant mener à l’annulation du legs contesté ou du testament, selon le cas.
Mais attention !
La captation n’est pas automatique. Il n’est pas nécessairement illicite de s’attirer les faveurs d’un proche si les moyens pour le faire sont licites et ne sont pas appuyés par des manœuvres susceptibles de tromper ou de frauder.
La Cour suprême du Canada a apporté certains tempéraments à la notion de captation dans l’affaire Stoneham et Teekesbury c. Ouellet [1979] 2 R.C.S. 172., dont nous reproduisons ici un passage pertinent :
Les attentions intéressées envers le testateur (comme les témoignages d’attachement, les flatteries, les soins fournis ou services rendus avec un empressement exagéré qui auraient pu dissimuler une affection simulée) et les simples suggestions ou conseils au testateur ne sont pas en eux-mêmes des actes de suggestion et captation entraînant la nullité du testament. Mais là doivent s’arrêter les manœuvres et, si elles atteignent un caractère de dol, elles seront cause de la nullité du testament ; à titre d’exemples, citons : inciter la haine envers les héritiers présomptifs, aviver une ancienne aversion, agir de façon à s’assurer un empire absolu sur la volonté du testateur, comme intercepter sa correspondance, éloigner la famille et les amis d’une personne malade retenue à la maison, s’ingérer dans ses affaires, refuser de faire venir un notaire pour préparer un codicille ou un nouveau testament ; en un mot, la tromperie ou la coercition sous toutes leurs formes. Ainsi en serait-il de la représentation mensongère au testateur, par celui qui veut être avantagé, qu’il est pauvre et a besoin d’assistance, tandis que ceux en faveur de qui le testateur devrait normalement disposer sont riches et bien pourvus. Les mots « suggestion et captation » illustrent assez bien de quoi il s’agit : quelqu’un s’empare de la volonté du testateur et lui suggère comment il doit tester. Mais ce qui doit être considéré comme suggestion et captation pourra varier d’un cas à l’autre, selon les circonstances particulières propres à l’affaire soumise. L’âge, l’état de santé, la condition sociale, du testateur pourront avoir joué un rôle quant au degré de résistance qu’il pouvait opposer aux manœuvres dont il était l’objet.
Quelques exemples de manœuvres illicites
Parmi les dossiers de contestation d’un testament pour cause de captation, un exemple fréquent de manœuvre illicite est celui d’une personne qui met en place un stratagème afin d’isoler un être cher de ses proches.
D’autres cas très graves présentent des membres de la famille qui font preuve de violence physique ou verbale afin de tirer un avantage testamentaire.
Il pourrait également s’agir d’un membre de la famille qui rend graduellement la personne vulnérable dépendante sur le plan financier, notamment en obtenant par des pressions une procuration pour la gestion de finances et l’administration des biens du testateur.
Le cas d’un legs au membre d’un établissement de santé
Que faire lorsque le défunt lègue des biens à l’un des membres de l’équipe d’un établissement de santé et de services sociaux ?
Ce legs pourrait fort bien représenter la volonté du défunt. Toutefois, le risque de captation peut être important dans de telles circonstances puisque le bénéficiaire de soins, dans un tel établissement, est généralement dans un état de vulnérabilité important.
Pour protéger les bénéficiaires de ce type d’établissements, la loi prévoit qu’il y a automatiquement captation lorsqu’un legs est fait à un membre de l’établissement et que ce legs est fait au moment où le testateur y est traité (article 761 du Code civil du Québec et 276 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux).
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