Tout savoir sur la clause de non-concurrence contenue dans un contrat de travail

Marie-Michelle Savard
Me Marie-Michelle Savard

Me Savard concentre sa pratique en litige civil, en droit du travail et de l’emploi ainsi qu'en droit administratif. Elle a également des habiletés en matière de droit de l'environnement et d'expropriation. Elle a conséquemment plaidé devant les instances judiciaires et administratives à de nombreuses occasions, devenant par le fait même une oratrice passionnée démontrant un fort sens de la persuasion.

La clause de non-concurrence contenue dans un contrat de travail vise à protéger l’employeur pendant et/ou après la relation d’emploi. Cette protection n’est toutefois pas absolue, tel que l’enseigne la jurisprudence abondante sur la question. En effet, la validité d’une clause de non-concurrence est soumise à de nombreuses contraintes.

Nos avocats en droit du travail vous expliquent tout ce que vous devez savoir sur la clause de non-concurrence contenue dans un contrat de travail.

La clause de non-concurrence

Par le biais d’une clause de non-concurrence, le contrat de travail peut prévoir que l’employé s’engage, pendant la durée de son emploi et pour une certaine période suivant la fin de celui-ci, à ne pas œuvrer pour une entreprise concurrente à celle de son employeur, et ce, dans un territoire déterminé.

A priori, une clause de non-concurrence n’est pas contraire à l’ordre public, c’est-à-dire à la protection des intérêts particuliers et à la promotion de l’intérêt général. Toutefois, elle sera considérée comme telle si son caractère raisonnable ne peut être démontré en fonction des intérêts légitimes de l’employeur. Advenant un litige, il reviendra à l’employeur de prouver la validité de ladite clause.

Voici un exemple de clause de non-concurrence :

« L’employé s’engage à ne pas participer à quelque titre que ce soit à une entreprise qui ferait directement concurrence à l’employeur, ou à l’une de ses filiales, dans le domaine du commerce et de la fabrication de contenants en plastique, incluant mais sans s’y restreindre, à titre de dirigeant, administrateur, officier, employeur, salarié, mandat, mandataire, fiduciaire, administrateur du bien d’autrui, agent, associé, commandité, entrepreneur indépendant, franchiseur, franchisé, distributeur ou conseiller pendant toute la durée de l’emploi et pour une période de douze (12) mois suivant la fin de l’emploi, dans un rayon de cent (100) kilomètres de la place d’affaires de l’employeur, et ce, seulement pour les activités exercées par l’employé chez l’employeur. »

Les critères de validité de la clause de non-concurrence

La clause de non-concurrence intégrée dans un contrat de travail doit absolument répondre aux exigences prévues à l’article 2089 du Code civil du Québec pour être valide. La clause doit être :

  1. Écrite et en termes exprès (elle ne doit pas être ambiguë);
  2. Limitée à une durée raisonnable;
  3. Limitée à un territoire spécifique et raisonnable;
  4. Limitée raisonnablement quant au genre de travail interdit;
  5. Limitée à ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l’employeur.

Ces critères de validité sont cumulatifs, c’est-à-dire qu’ils doivent tous être respectés pour que la clause soit jugée valide. De plus, ces critères sont évalués les uns en fonction des autres, de façon contextuelle. Le non-respect d’un seul d’entre eux entrainera la nullité de la clause dans son entièreté et la rendra sans effet, comme si elle était totalement absente du contrat de travail. Les tribunaux ne sont pas autorisés à modifier une clause de non-concurrence abusive, par exemple, en diminuant la durée ou en restreignant le territoire. La clause sera donc déclarée valide ou invalide dans son ensemble.

Cette sévérité résulte notamment du fait que la clause de non-concurrence est susceptible d’empêcher un individu de gagner sa vie, en tout ou en partie. L’analyse des critères mentionnés plus haut est faite au cas par cas en fonction des faits propres à chaque situation.

Critère 1 : La clause écrite et sans ambiguïté

Une clause de non-concurrence doit être rédigée en termes clairs et compréhensibles afin de permettre à l’employé de connaître l’étendue de son obligation de ne pas faire concurrence à l’employeur, et ce, sans avoir à se poser des questions sur le sens donné aux termes utilisés dans la clause.

Critère 2 : Le territoire (zone géographique)

Le territoire visé par une clause de non-concurrence sera considéré raisonnable si la clause vise à limiter ce qui est nécessaire pour assurer la protection des intérêts légitimes de l’employeur, donc elle doit viser le territoire dans lequel l’employeur fait affaires ou poursuit ses activités. Le territoire peut être indiqué en termes géographiques, soit une ville, une province, un pays, etc. ou consister en un rayon déterminé autour d’un endroit donné, par exemple un rayon de 100 kilomètres du siège social et/ou des places d’affaires de l’employeur.

En cas d’ambiguïté quant au territoire visé ou en l’absence d’un territoire, la clause sera déclarée invalide.

Les impacts du télétravail sur le territoire

Le télétravail étant devenu une pratique courante au sein des entreprises, le lieu physique dans lequel l’employé effectue ses tâches dans l’exercice de ses fonctions devient de moins en moins pertinent dans l’analyse de la validité de la clause de non-concurrence.

Les clauses de non-concurrence rédigées avant la démocratisation du télétravail pourront donc être revues afin de les adapter à cette nouvelle réalité. Communiquez avec nos avocats en droit du travail afin de faire la mise à jour de vos clauses de non-concurrence et contrats de travail.

Faire mettre à jour vos
clauses de non-concurrence

Critère 3 : La durée

La durée de l’obligation de non-concurrence doit être précise. De façon générale, les tribunaux jugent qu’une durée entre 12 mois et 24 mois après la fin d’emploi est raisonnable. Le caractère raisonnable de la durée d’une clause de non-concurrence s’évalue en fonction de différents éléments, tels que l’importance ou la nature du poste occupé par l’employé, la durée du contrat, la période de temps nécessaire pour remplacer un employé spécialisé, etc.  

Critère 4 : Le genre de travail

Pour ce qui est du domaine d’activités, il est essentiel de préciser et de clarifier les activités visées par l’interdiction. La clause de non-concurrence devrait interdire seulement les activités exercées par l’employé alors qu’il était à l’emploi de l’employeur, à défaut de quoi elle pourrait être déclarée invalide.

Une clause de non-concurrence prévoyant une interdiction totale de travailler chez un concurrent donné (sans égard au type de tâches que l’employé y effectuera) pourrait être jugée valide si l’employé fait partie de la haute direction de l’entreprise et que le contexte justifie une aussi importante limitation. Si la clause vise plutôt un employé occupant un poste non spécialisé ou n’ayant pas d’importantes responsabilités au sein de l’entreprise, elle ne pourra prévoir une aussi large interdiction.

Critère 5 : Les intérêts légitimes de l’employeur

Dans l’analyse de la validité d’une clause de non-concurrence, on tient compte des intérêts légitimes de l’employeur. On prend en considération notamment la nécessité pour l’employeur d’assurer le maintien de sa clientèle, de son achalandage, ainsi que la nécessité d’assurer la protection de ses secrets commerciaux, secrets de fabrication ou tout autre renseignement confidentiel.

Déterminer la validité d’une clause de non-concurrence

Vous l’aurez compris, déterminer la validité d’une clause de non-concurrence est un exercice périlleux et souvent lourd de conséquences. Le citoyen moyen est malheureusement bien peu outillé pour effectuer cette analyse, puisqu’elle nécessite des aptitudes et connaissances juridiques avancées.

Dans ce contexte, comment faire pour s’assurer de la validité ou de l’invalidité d’une clause de non-concurrence ?

La solution ultime consiste à soumettre l’analyse de la clause de non-concurrence à un tribunal afin qu’il rende une décision quant à sa validité. Cet exercice s’avère toutefois coûteux et est donc rarement la première solution à privilégier.

En pratique, on préférera généralement une alternative beaucoup moins coûteuse, soit l’obtention d’une opinion juridique (ou avis juridique) d’un avocat.

Nos avocats sont en mesure d’analyser vos clauses de non-concurrence et d’émettre une opinion juridique écrite et détaillée quant à leur validité. Ils peuvent également vous assister dans la rédaction de clauses de non-concurrence ou de contrats de travail afin d’assurer leur conformité à la loi et à la jurisprudence. Contactez dès maintenant nos avocats en droit du travail pour obtenir leur assistance.

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La clause pénale

La clause de non-concurrence peut être accompagnée d’une clause pénale, c’est-à-dire une clause qui prévoit une pénalité en cas de non-respect de la clause de non-concurrence. Un contrat de travail pourrait prévoir, par exemple, que l’employé devra verser à l’employeur une pénalité de 100 $ par jour d’infraction à la clause de non-concurrence.

Lorsqu’un employeur demande au tribunal de condamner un employé à payer la pénalité prévue par la clause pénale, il n’a pas à démontrer qu’il a subi un préjudice en raison du non-respect de la clause de non-concurrence. La seule existence de la clause pénale suffit.

Une clause pénale peut toutefois être déclarée abusive par un tribunal. Contrairement à la clause de non-concurrence (qui sera entièrement déclarée invalide si elle est jugée abusive), la clause pénale jugée abusive pourra être modifiée par le tribunal en vue de revoir à la baisse le montant de la pénalité. Les clauses pénales et clauses de non-concurrence font donc l’objet d’une analyse distincte quant à leur validité.

Le congédiement / licenciement de l’employé

Le Code civil du Québec prévoit que l’employeur qui congédie un employé sans motif sérieux ne peut se prévaloir de la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de travail. Il en est de même pour l’employé victime d’un congédiement déguisé.

De la même façon, en cas de licenciement, soit une fin d’emploi basée sur des motifs économiques, l’employeur ne peut se prévaloir de la clause de non-concurrence. En effet, les tribunaux ont jugé à plusieurs reprises qu’un licenciement ne constitue pas un motif sérieux de résiliation d’un contrat de travail.

La clause de non-concurrence ne s’appliquera donc qu’en cas de démission de l’employé ou en cas de fin d’emploi pour motif sérieux.

La validité d’une clause de non-concurrence signée en cours d’emploi

Un employeur ne peut forcer un employé en cours d’emploi à signer une clause de non-concurrence puisqu’un tel ajout constituerait une modification substantielle du contrat de travail. Toutefois, si un employé consent à une clause de non-concurrence en cours d’emploi, celle-ci pourrait être jugée valide par les tribunaux.

Les conséquences d’une contravention à une clause de non-concurrence valide

Lorsqu’un employé (ou ex-employé) contrevient à une clause de non-concurrence valide, divers recours s’offrent à l’employeur.

D’une part, l’employeur peut s’adresser aux tribunaux afin d’obtenir une ordonnance d’injonction en vue de forcer l’employé à respecter ladite clause.

Également, et tel que mentionné précédemment, l’employeur peut se prévaloir d’une clause pénale présente dans le contrat de travail afin d’obtenir le paiement d’une pénalité et ce, sans même devoir prouver le préjudice qu’il a subi.

Finalement, un employeur peut réclamer des dommages-intérêts à l’employé. Il doit alors démontrer le préjudice qu’il a subi en raison du non-respect de la clause de non-concurrence.

L’absence de clause de non-concurrence et l’obligation de loyauté de l’employé

L’employé (ou ex-employé) dont le contrat de travail ne contient pas de clause de non-concurrence n’est toutefois pas exempt de toute obligation envers son employeur (ou ex-employeur).

En effet, la loi exige que l’employé agisse avec loyauté envers son employeur durant son emploi et pendant une certaine période après la fin de celui-ci. L’obligation d’agir avec loyauté implique pour l’employé d’être honnête, de faire preuve de jugement, de protéger l’information confidentielle qu’il obtient de son employeur et de faire passer les intérêts de son employeur avant les siens, c’est-à-dire, par exemple, de ne pas se placer en situation de conflit d’intérêts. Puisqu’il s’agit d’une obligation imposée par la loi, le devoir de loyauté existe même en l’absence d’une clause à cet effet dans le contrat de travail. Également, cette obligation de loyauté existe peu importe que l’employeur ait congédié l’employé ou que ce dernier ait démissionné.

Ainsi, un ancien employé n’ayant pas signé d’engagement de non-concurrence a le droit de travailler pour un concurrent. Cependant, celui-ci doit agir raisonnablement et rester loyal envers son ancien employeur en évitant de lui nuire ou d’utiliser les informations confidentielles auxquelles il a eu accès durant son ancien emploi.

Contactez nos avocats en droit du travail

La clause de non-concurrence demeure soumise à des conditions de validité qui n’obéissent pas à une règle uniforme, c’est-à-dire qu’il faut impérativement procéder à une analyse au cas par cas. Ainsi, la rédaction, l’interprétation et l’application d’une telle clause demeurent un exercice délicat.

N’hésitez pas à contacter nos avocats en droit du travail afin d’obtenir des services adaptés à votre situation. Nos avocats seront notamment en mesure de :

  1. Rédiger ou réviser vos clauses de non-concurrence ou vos contrats de travail afin qu’ils soient conformes à la loi et à la jurisprudence;
  2. Interpréter et évaluer la validité d’une clause de non-concurrence existante;
  3. Vous représenter devant les tribunaux dans le cadre d’un litige entourant l’interprétation, l’application ou le non-respect d’une clause de non-concurrence (recours en injonction, réclamation de la pénalité prévue par une clause pénale, recours en dommages-intérêts, etc.);
  4. Négocier une entente à l’amiable en vue de résoudre un tel litige.
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Note : Les informations présentées ci-dessus sont d'ordre général et ne constituent pas des conseils juridiques. Afin d'obtenir un avis sur votre situation juridique particulière, n'hésitez pas à communiquer avec l’un de nos avocats de Québec, Lévis ou Montmagny.

Marie-Michelle Savard
Me Marie-Michelle Savard

Me Savard concentre sa pratique en litige civil, en droit du travail et de l’emploi ainsi qu'en droit administratif. Elle a également des habiletés en matière de droit de l'environnement et d'expropriation. Elle a conséquemment plaidé devant les instances judiciaires et administratives à de nombreuses occasions, devenant par le fait même une oratrice passionnée démontrant un fort sens de la persuasion.


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