Un employeur qui découvre qu’un employé commet un vol de temps au travail a des droits. Les sanctions, pouvant aller jusqu’au congédiement, sont balisées par la Loi sur les normes du travail et par une jurisprudence abondante. Nos avocats en droit du travail à Québec et Lévis expliquent cette notion de vol de temps au travail ainsi que les droits, obligations et recours de l’employeur en cette matière.
Vol de temps : définition
La loi ne définit pas la notion de vol de temps. Cependant, la Loi sur les normes du travail et le Code civil du Québec prévoient que le salarié a l’obligation de fournir sa prestation de travail avec loyauté. Le salarié doit donc, dans le cadre de son travail, faire primer les intérêts de l’employeur avant les siens et agir avec honnêteté.
Ce que dit la jurisprudence
À maintes reprises, les tribunaux ont eu l’occasion de se prononcer sur le vol de temps en milieu de travail. Ce concept est d’autant plus pertinent aujourd’hui alors que de plus en plus d’employés sont appelés à faire du télétravail.
La jurisprudence tend à définir le vol de temps comme le fait de se faire payer pour des heures de travail qui n’ont pas été effectuées. Une certaine jurisprudence va également exiger la preuve de « vol », soit que l’employé a effectué des manœuvres frauduleuses pour camoufler ses pertes de temps et s’enrichir aux dépens de l’employeur.
Quoi qu’il en soit, nous sommes d’avis que même en l’absence d’une preuve de « vol », il n’en demeure pas moins qu’un comportement puisse contrevenir à l’obligation de loyauté et justifier des sanctions.
Exemples de vol de temps
Un survol de la jurisprudence permet d’identifier divers comportements qui peuvent être assimilés à du vol de temps et à une contravention à l’obligation de loyauté de l’employé en fonction des circonstances :
- Falsification des feuilles de temps
- Départs hâtifs
- Absence sans avis ni autorisation
- Prolongation des heures de pause ou de repas
- Dormir sur les lieux du travail
- Pertes de temps répétitives et injustifiées
Utilisation de technologies ou d’Internet
Qu’en est-il maintenant de l’utilisation des réseaux sociaux, d’Internet et du téléphone cellulaire sur les heures de travail ?
Un usage raisonnable de ces outils à des fins personnelles par un employé est parfois toléré. Selon les décisions rendues par les tribunaux, la preuve doit être claire que l’employé utilisait Internet ou les outils technologiques à des fins personnelles au lieu d’effectuer ses tâches. Or, un employé qui navigue sur Internet à des fins personnelles, mais qui effectue ses tâches de manière satisfaisante, ne commet pas nécessairement un vol de temps, à moins de prouver une intention frauduleuse de sa part (Jolicoeur ltée c. Bélanger, 2007 QCCS 5640).
Les mesures préventives
L’encadrement des employés
Le fait pour un employeur d’exprimer en amont ses attentes aux employés concernant le vol de temps ou l’utilisation des outils technologiques constitue une mesure préventive, en plus de donner ouverture à l’imposition de sanctions plus sévères.
Nous recommandons par conséquent à tout employeur de mettre en place une politique ou une directive interne destinée à tous les employés. Cette politique ou directive doit être respectée par les employés en raison du lien de subordination qui est inhérent au lien d’emploi.
La politique ou directive interne peut préciser l’utilisation permise et interdite des outils et les sanctions applicables. Elle peut également prévoir un système de plainte confidentielle pour inciter les employés témoins d’un vol de temps à dénoncer la situation à l’employeur afin qu’une enquête débute.
La surveillance électronique par l’employeur
Dans le contexte où le télétravail prend de plus en plus d’importance, une surveillance des employés soulève des enjeux juridiques relatifs au droit à la vie privée, puisqu’il y a une certaine confusion entre le domicile et le lieu de travail. Ainsi, les employeurs doivent en tout temps agir avec une grande prudence pour éviter de porter atteinte à la vie privée des employés.
La surveillance électronique a généralement les objectifs suivants :
- Suivre la prestation de travail du salarié
- S’assurer du respect des engagements en matière de protection des renseignements confidentiels
- S’assurer de la protection des systèmes informatiques de l’employeur
Ainsi, la prévention du vol de temps et le suivi plus général des prestations de travail peuvent justifier la mise en place de mesures de surveillance électronique. L’employeur peut, par exemple, suivre l’historique des sites visités et le temps consacré sur ces sites. Il est cependant primordial que les sites aient été visités durant les heures de travail et non pas durant les heures de pauses ou de repas. L’employeur peut également installer un logiciel de surveillance permettant de visionner à distance l’écran du salarié ou ses heures d’activité.
Vol de temps : sanctions possibles
Avant d’imposer une sanction pour vol de temps, l’employeur doit analyser attentivement la situation et documenter ses interventions pour éviter de se mettre dans une position d’illégalité.
L’enquête préalable
Avant d’imposer une mesure disciplinaire à l’employé, l’employeur doit mener une enquête afin de confirmer que de simples soupçons acquièrent un degré important de certitude.
L’enquête doit être la moins intrusive possible et elle doit plaider en faveur d’un vol de temps et non d’un simple manque de productivité. La distinction entre les deux réside dans l’état d’esprit de l’employé qui doit avoir une intention frauduleuse pour conclure à un vol de temps. Il ne doit pas s’agir de paresse, de négligence ou d’insouciance, à défaut de quoi on parlera davantage d’un manquement à l’obligation de loyauté par opposition à un vol de temps.
L’employeur peut décider de suspendre l’employé pour fins d’enquête s’il a un motif raisonnable de croire que la présence de cet employé sur les lieux du travail peut causer un préjudice à l’employeur. La suspension pour fins d’enquête doit être brève et l’employeur doit généralement rémunérer l’employé durant toute la période de la suspension.
Les mesures disciplinaires
Le vol de temps au travail est un motif pour imposer des sanctions disciplinaires ou parfois, un congédiement. C’est la gravité du comportement fautif qui influence la sévérité de la mesure disciplinaire à imposer. La Cour suprême du Canada, dans l’affaire McKinley c. BC TEL, [2001] 2 R.C.S. 161, nous enseigne que la proportionnalité doit guider l’employeur dans le choix de la sanction et il doit évaluer le comportement en fonction du contexte.
Afin d’évaluer la proportionnalité de la mesure à imposer, l’employeur doit tenir compte des circonstances aggravantes et atténuantes. Voici différents facteurs à prendre en considération :
- La collaboration de l’employé à l’enquête
- La nature des sites Internet consultés
- La fréquence et la durée de l’utilisation personnelle
- La répétition ou la récidive malgré les avertissements
- L’absence de remords de l’employé ou ses regrets
- La présence ou l’absence de politique interne concernant l’usage des outils mis à la disposition des employés
- Le poste occupé par l’employé et la nature de ses fonctions
- L’ancienneté de l’employé
- Le dossier disciplinaire de l’employé
- Les comportements généralement tolérés par l’employeur, etc.
Le congédiement
Les tribunaux ont déterminé que le vol de temps peut, dans certains cas, constituer un motif valable de congédiement en raison de la rupture du lien de confiance entre l’employeur et le salarié fautif.
Toutefois, le vol de temps ne permet pas à l’employeur d’imposer systématiquement un congédiement immédiat puisque la sanction appropriée doit être déterminée au cas par cas, à la lumière des circonstances.
Contactez-nous
Nous vous invitons à contacter les avocats en droit du travail de Verreau Dufresne Avocats afin d’obtenir des conseils pour mieux encadrer les employés et prévenir le vol de temps.
Note : Les informations présentées ci-dessus sont d'ordre général et ne constituent pas des conseils juridiques. Afin d'obtenir un avis sur votre situation juridique particulière, n'hésitez pas à communiquer avec l’un de nos avocats de Québec, Lévis ou Montmagny.