Lorsque l’amour des parents devient un champ de bataille, l’enfant en paie souvent le prix.
L’aliénation parentale, ce phénomène où l’un des parents cherche à éloigner l’enfant de l’autre par des paroles ou des comportements dénigrants, est de plus en plus invoquée devant les tribunaux. Qu’il soit père ou mère, le parent qui s’en dit victime doit en apporter la preuve, souvent complexe et délicate. Et si les faits sont établis, des sanctions sérieuses peuvent être prononcées contre le parent aliénant.
Nos avocats en droit de la famille vous expliquent ce concept juridique et les moyens de le reconnaître et de s’en protéger.
L’aliénation parentale, qu’est-ce que c’est ?
Advenant un divorce ou une séparation, les parents doivent s’adapter et faire preuve de courage pour limiter les impacts sur la famille. Malheureusement, certaines ruptures sont hautement conflictuelles et les conséquences sur les enfants peuvent être dévastatrices.
L’autrice Francine Cyr détaille les bases de la notion d’aliénation parentale, bases reprises par la Cour supérieure dans la décision Droit de la famille — 2176, 2021 QCCS 223 (CanLII). Certains enfants, confrontés à des conflits entre leurs parents, choisissent de s’allier à un parent plutôt qu’à l’autre. Cette alliance les aide à ne plus se sentir partagés entre leurs parents. Cependant, cela peut entraîner chez l’enfant un rejet fort et sans remords de l’un de ses parents, même si, avant la séparation, leur relation était normale et positive. En d’autres termes, l’aliénation parentale survient lorsque l’enfant refuse de voir un parent sans raison valable, simplement parce qu’il a été influencé par l’autre parent.
Parfois, l’enfant est pris au cœur des tensions et développe un conflit de loyauté. Ce conflit de loyauté lui donne l’impression d’avoir à «choisir son camp ». Ce détachement peut être causé ou exacerbé par le comportement de l’autre parent. En revanche, le conflit de loyauté n’équivaut pas nécessairement à l’aliénation parentale. Il est important de bien discerner les deux concepts. Lorsqu’en conflit de loyauté, l’enfant se sent tiraillé entre ses deux parents et sent qu’il doit faire un choix. Lorsqu’il y a aliénation parentale, l’enfant rejette son autre parent, il n’est donc pas – ou plus – tiraillé entre ses deux parents. Son choix est fait et un parent est rejeté.
Si vous soupçonnez que votre enfant se trouve dans une telle situation, n’hésitez pas à contacter nos avocats en droit de la famille. Un plan d’action pourra être mis en place afin de régulariser la situation.
Ultimement, pour être dans une situation d’aliénation parentale, les conséquences des comportements aliénants du parent doivent être observables chez l’enfant. C’est donc dire, par exemple, que l’enfant se met lui-même à dénigrer le parent.
Exemple : Maxime, 10 ans, refuse désormais de voir sa mère lors de son droit de visite. Quand on lui demande pourquoi, il répond que « maman ment tout le temps » et qu’« elle n’a jamais voulu de lui ». Pourtant, aucune situation concrète ne soutient ces affirmations, et Maxime entretenait auparavant une relation affectueuse avec sa mère. Ses propos semblent calqués sur les discours dénigrants que son père tient à son sujet, notamment devant l’enfant.
Comment repérer un comportement aliénant ?
L’aliénation parentale implique que l’un des parents adopte, de façon plus ou moins consciente, des comportements « aliénants ».
Ces comportements visent, entre autres, à éloigner un enfant de l’autre parent. Souvent, il s’agit du dénigrement d’un parent envers l’autre, devant l’enfant. De tels comportements aliénants peuvent mener à une situation d’aliénation parentale.
La Cour supérieure, dans la décision Droit de la famille — 2176, 2021 QCCS 223 (CanLII) vient préciser la notion de comportement aliénant, en plus d’identifier un parent comme étant le parent allié ou aliénant et l’autre, le parent rejeté:
Dans l’aliénation parentale, le parent qui soutient un enfant dans son rejet de l’autre parent renforce les défauts et lacunes perçus de ce dernier. Il s’agit du parent allié. L’enfant finit par croire que le parent rejeté est inutile, voire abusif, et développe une peur ou une anxiété à son égard. Ce rejet est intensifié par l’approbation du parent aliénant, qui devient plus protecteur et anxieux, alimentant ainsi un cercle vicieux de peur et d’évitement. De plus, l’enfant n’est pas encouragé à maintenir une relation équilibrée avec l’autre parent, ni à résoudre les conflits. Au contraire, le parent aliénant minimise l’importance de cette relation et donne l’impression à l’enfant qu’il n’est pas nécessaire d’améliorer les liens avec l’autre parent.
Des chercheurs de la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance de l’Université Laval ont dressé une liste de comportements qui constituent des indicateurs d’aliénation parentale.
- Parler contre l’autre parent à l’enfant ou devant l’enfant;
- Limiter ou interférer dans les contacts entre l’autre parent et l’enfant;
- Limiter ou interférer dans les contacts téléphoniques ou virtuels entre l’autre parent et l’enfant;
- Limiter ou interférer dans les contacts symboliques entre l’autre parent et l’enfant (exemple : jeter les cadeaux donnés par l’autre parent, bannir les photos de l’autre parent, interdire à l’enfant d’apporter des objets provenant de la résidence de l’autre parent, etc.).
L’exemple suivant pourrait être qualifié de comportement aliénant et pourrait servir d’élément factuel pertinent dans le cadre d’une plainte pour aliénation parentale.
Exemple : Olivier est âgé de dix ans. Il voit son père une fin de semaine sur deux. Lorsqu’il revient chez sa mère, il lui montre un vêtement que son père lui a acheté. Sa mère, ayant des goûts différents de ceux du père, lui dit qu’il pourra uniquement porter le vêtement lorsqu’il sera avec son père. Elle ajoute que le père n’a pas de goût.
Nos avocats en droit de la famille peuvent vous aider à évaluer et à mettre en œuvre vos droits et recours en matière d’aliénation parentale. Contactez-les maintenant.
Comment prouver l’aliénation parentale ?
Suivant l’analyse de votre situation, il est parfois pertinent de recourir à un expert afin de se pencher sur la question d’aliénation parentale. Effectivement, seul un expert (psychologue ou travailleur social) peut émettre un diagnostic d’aliénation parentale auprès d’un enfant. C’est donc dire qu’un parent n’est habilité à prouver lui-même une aliénation parentale découlant de ce qu’il a remarqué auprès de son enfant.
Dans ce genre de dossier, nos avocats peuvent vous aiguiller selon les comportements de votre enfant et ceux de l’autre parent. Il est possible que votre dossier nécessite la préparation d’une expertise psychosociale afin d’être complet en vue d’un procès. Pour en apprendre davantage à ce sujet, nous vous invitons à consulter la section “Procéder à une expertise psychosociale” contenue au présent article.
La jurisprudence conclut que l’analyse de l’aliénation parentale se fait au cas par cas, en fonction des circonstances propres à chaque dossier.
Tel que mentionné précédemment, il est possible que votre enfant soit exposé à des comportements aliénants et/ou qu’il soit en conflit de loyauté, mais que nous ne puissions tout de même pas conclure à un cas d’aliénation parentale. En effet, l’alinéation parentale présente un degré de gravité élevé.
Les huit critères suivants vont guider le tribunal dans son analyse pour déterminer s’il est véritablement en présence d’aliénation parentale :
- Une campagne de dénigrement de l’enfant à l’égard du parent rejeté;
- L’enfant parle du rejet du parent en utilisant des raisons qui ne tiennent pas la route;
- Un manque d’ambivalence chez l’enfant;
- Un manque de culpabilité chez l’enfant qui se croit justifié de dénigrer son parent;
- L’animosité de l’enfant s’étend à l’entourage du parent aliéné;
- L’enfant se présente comme l’allié du parent aliénant;
- L’emprunt par l’enfant de propos tenus par le parent aliénant;
- L’enfant se présente comme penseur indépendant à l’abri de toute influence.
À la lecture de ces huit critères, vous comprendrez donc que l’aliénation parentale n’est pas une situation banale et commune.
Procéder à une expertise psychosociale
Tel qu’expliqué précédemment, afin de déterminer s’il y a aliénation parentale dans le milieu d’un parent, une expertise psychosociale est nécessaire. Il s’agit alors de faire analyser par un expert la situation sociale et familiale de l’enfant.
Le parent qui souhaite procéder à une expertise psychosociale doit en faire la demande au tribunal. L’autre parent peut consentir à l’expertise, ou s’y opposer. Le tribunal doit être convaincu que l’expertise est pertinente dans le cadre du dossier, même si les deux parents y consentent.
Pour que le tribunal soit convaincu de la nécessité d’une expertise, le parent doit démontrer qu’il existe un doute quant à la présence d’aliénation parentale.
Lorsque l’expertise est ordonnée par le tribunal, celle-ci est réalisée gratuitement par le Service d’expertise psychosociale de la Cour supérieure. Un travailleur social rencontre les parents et l’enfant afin d’évaluer les milieux de chacun des parents, leurs capacités parentales, leur relation avec l’enfant, leur relation envers l’autre parent, etc. À la fin du rapport, des recommandations sont effectuées quant à la garde de l’enfant, à savoir si celle-ci doit être maintenue ou modifiée.
L’expertise peut également être réalisée au privé, auquel cas des frais doivent être assumés par le parent qui demande la production de l’expertise.
Dans le cas d’une expertise privée, le parent impliqué dans un dossier judiciaire d’aliénation parentale dispose d’un avantage stratégique : pouvoir sélectionner lui-même son expert. En effet, la sélection d’un expert compétent, crédible et ayant de l’expérience devant les tribunaux est d’importance capitale : ce choix peut parfois faire la différence entre gagner ou perdre sa cause devant le tribunal. Pour optimiser vos chances de succès, il ne suffit donc pas de sélectionner à titre d’expert n’importe quel psychologue ou travailleur social. Heureusement, Verreau Dufresne Avocats a de l’expérience en matière de sélection d’experts judiciaires. En faisant appel à nos avocats, vous profitez non seulement de leur expertise, mais aussi de leur réseau de contacts pour sélectionner l’expert le mieux placé pour maximiser vos chances de succès.
Si vous souhaitez en savoir plus sur l’expertise psychosociale, nous vous invitons à lire notre article sur le sujet en cliquant ici. Par la suite, votre avocat peut déposer le rapport d’expertise au dossier de la Cour et l’introduire en preuve lors du procès, en plus d’interroger l’expert qui en est l’auteur. Nos avocats peuvent effectuer les vérifications nécessaires afin de s’assurer que l’expert est en mesure de témoigner convenablement.
Le débat devant le tribunal
Une fois que le rapport d’expertise psychosociale est complété, il est déposé au dossier de la Cour.
Par la suite, un débat a lieu devant le tribunal. Les parties prouvent à cette occasion les faits à l’origine de leur position et le juge prend connaissance du rapport d’expertise psychosociale.
Le juge n’est toutefois pas lié par le contenu de ce rapport. Lors du procès et en fonction de la preuve administrée preuve administrée devant lui, il peut arriver à des conclusions différentes de celles mentionnées au rapport. Dans une telle situation, il se doit d’expliquer sa décision et de détailler pourquoi il écarte les conclusions du rapport d’expertise psychosociale.
La décision judiciaire
Toute décision qui concerne un enfant se doit d’être prise en analysant son meilleur intérêt. Les juges prennent en considération les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de l’enfant ainsi que son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation.
Lorsqu’un juge conclut qu’une situation d’aliénation parentale est présente chez un enfant, il peut rendre différentes ordonnances.
Le juge peut émettre des ordonnances relatives à la communication entre les parents. Ces ordonnances ont pour but de favoriser une coparentalité positive et la communication entre les parents. Ces ordonnances peuvent également viser à contrer des comportements inappropriés des parents (comportements aliénants).
Le juge peut également, par une ordonnance, mettre en garde le parent aliénant, recommander des suivis psychosociaux et même modifier la garde de l’enfant. La présence d’aliénation parentale, d’un conflit de loyauté ou de comportements aliénants ne garantit pas que la garde de l’enfant sera modifiée et que le parent responsable de l’aliénation ne verra plus son enfant. En effet, une modification de la garde de l’enfant concerne majoritairement les cas d’aliénation parentale sévère ou extrême et lorsque toutes les autres modalités ont échoué.
Exemples d’ordonnances – Voici des exemples d’ordonnances qu’un juge peut émettre:
« ORDONNE aux parties de ne pas se dénigrer l’une l’autre et de ne pas discuter de la présente affaire en présence de X;
ORDONNE aux parties de présenter une image positive et respectueuse de l’autre parent devant X et d’encourager les contacts et les liens avec l’autre parent;
ORDONNE au parent gardien de permettre à X et à l’autre parent de communiquer ensemble par téléphone en tout temps où ce dernier n’aura pas la garde. Les communications devront être exercées modérément et de façon à ne pas empiéter indument sur le temps de garde du parent gardien;
ORDONNE aux parties de se contacter d’abord par message texte ou courriel et lorsque nécessaire, par téléphone. Toute communication entre les parties doit se faire de façon calme, respectueuse et ne devra traiter que de l’enfant. La partie qui recevra une communication devra faire diligence pour y donner suite dans les meilleurs délais. »
Contactez nos avocats en droit de la famille
La présence de comportements aliénants, d’un conflit de loyauté ou d’une situation d’aliénation parentale peut avoir une incidence sur le mode de garde à privilégier et sur les ordonnances à demander.
Également, certaines situations justifient la confection d’une expertise psychosociale.
N’hésitez pas à contacter nos avocats en droit de la famille. Nous pourrons vous assister, notamment pour les démarches suivantes :
- Analyser votre situation si vous soupçonnez des comportements aliénants;
- Négocier une entente à l’amiable en vue de résoudre une telle impasse, si la situation s’y prête;
- Rédiger votre demande au tribunal afin de statuer sur l’aliénation parentale;
- En cas d’expertise privée, choisir le bon expert pour votre situation, c’est-à-dire un professionnel crédible, qualifié, réputé et habitué de témoigner devant les tribunaux;
- Contester une demande en aliénation parentale formulée par votre ex-conjoint(e);
- Préparer votre preuve en vue d’une audience devant le tribunal :
- En sélectionnant pour vous les documents et autres éléments de preuve nécessaires pour convaincre le tribunal de votre position;
- En sélectionnant pour vous les témoins nécessaires à votre cause et en les préparant en vue de l’audience.
- Vous représenter devant le tribunal, dans le cadre d’une audience en matière d’aliénation parentale, afin de convaincre le juge du bien-fondé de vos prétentions.
Note : Les informations présentées ci-dessus sont d'ordre général et ne constituent pas des conseils juridiques. Afin d'obtenir un avis sur votre situation juridique particulière, n'hésitez pas à communiquer avec l’un de nos avocats de Québec, Lévis ou Montmagny.