Abandon, violence ou abus : que faire pour protéger son enfant de son autre parent ?

Me Jérôme Harrisson
Me Jérôme Harrisson

Me Jérôme Harrisson est avocat et pratique en droit de la famille, droit des personnes et droit de la jeunesse chez Verreau Dufresne Avocats.

En matière familiale, nous aspirons tous au même idéal : deux parents qui vivent en harmonie et qui sont présents à toutes les étapes de la vie de leur enfant. 

Or, pour certains, la vie n’est pas toujours aussi simple. Dans certaines familles, diverses situations néfastes pour la vie de l’enfant peuvent survenir. On peut d’abord penser au cas du parent qui abandonne son enfant et qui disparaît complètement de sa vie. Ou encore, au cas du parent peu recommandable qui met son enfant en danger par divers comportements insouciants.

Dans l’une ou l’autre des circonstances précitées, il peut devenir nécessaire de protéger l’enfant de son propre parent. Le mécanisme de déchéance de l’autorité parentale, qui retire au parent fautif son autorité parentale, peut alors s’avérer le remède approprié.

Qu’est-ce que l’autorité parentale ?

L’autorité parentale se définit comme un ensemble de droits et d’obligations qu’un parent a envers son enfant, de sa naissance jusqu’à ses 18 ans. Les parents d’un enfant exercent ensemble cette autorité parentale, d’un commun accord.

Parmi les droits qui composent l’autorité parentale, nous y retrouvons, entre autres :

  • Le choix du lieu de résidence de l’enfant ;
  • Le choix de l’école de l’enfant et des cours suivis par celui-ci, ainsi que le choix de la garderie ;
  • Le consentement aux soins de santé ;
  • Les différents suivis auprès des professionnels – psychologue, travailleur social, médecin, etc. ;
  • Le choix des différentes activités exercées par l’enfant – sports individuels et d’équipe, cours de musique, voyages, etc. ;
  • Le choix de religion de l’enfant et sa participation aux rituels religieux (baptême, communion, etc.).

Il s’agit donc, de manière générale, du droit de prendre des décisions quotidiennes pour la vie de son enfant et ce, jusqu’à sa majorité.

En contrepartie de ces droits, le parent a, à l’égard de son enfant, un devoir :

  • De garde ;
  • De surveillance ;
  • D’éducation ;
  • De le nourrir ; 
  • De l’entretenir ;
  • De veiller à sa sécurité ;
  • De veiller à sa santé ;
  • Et de le protéger physiquement et psychologiquement. 

Souvent, de tels devoirs sont qualifiés d’ « attributs » de l’autorité parentale. 

La séparation des parents a-t-elle des impacts sur l’exercice conjoint de l’autorité parentale ?

Les parents continuent d’exercer l’autorité parentale ensemble, et ce, peu importe qu’ils soient en couple ou séparés. 

Ainsi, le parent ayant la garde devra obtenir l’autorisation de l’autre parent avant de prendre toute décision importante concernant les enfants (par exemple, quant à l’éducation, la santé, le choix d’école et la religion). Si les parents ne sont pas en mesure de s’entendre, ils pourront alors s’adresser au tribunal. Il reviendra au juge de prendre la décision, en fonction du meilleur intérêt de l’enfant. 

Exemple : Juliette et Julien ont une fille âgée de 4 ans, qui débutera bientôt la prématernelle. Juliette souhaite que leur fille fréquente une école du quartier, située à quelques minutes à pied de leur résidence. Cependant, Julien préfèrerait que l’enfant fréquente une autre école du quartier puisque celle-ci se situe à quelques mètres d’une école secondaire. Julien ne peut inscrire l’enfant à l’école de son choix, puisque Juliette lui a verbalisé être en désaccord. Après discussion, les parents conviennent que l’enfant ira à l’école choisie par Juliette. Étant en accord quant au choix de l’école, Juliette ou Julien peut inscrire l’enfant à ladite école.

Advenant le cas où le certificat de naissance de l’enfant indique le nom d’un seul parent, l’autorité parentale est exercée par ce seul parent. C’est donc dire que le parent n’a pas besoin d’obtenir l’approbation de l’autre quant à la prise d’une décision faisant partie de l’autorité parentale. 

Exemple : Sirine est la mère d’un garçon Bastien, âgé de 5 ans. À la naissance de Bastien, Sirine n’a pas déclaré le père de celui-ci sur l’acte de naissance. Le père biologique de Bastien ne s’est jamais manifesté. Sirine est donc la seule détentrice de l’autorité parentale envers Bastien. Elle peut ainsi inscrire l’enfant à l’école de son choix, déménager avec l’enfant sans demander l’autorisation du père et inscrire seule l’enfant à des cours de piano.

Vous vous identifiez à l’un de ces cas ? Vous avez des questions concernant votre situation ?
Contactez dès maintenant l’un de nos avocats en droit familial.

Contacter un avocat

Quelles sont les conséquences de la perte (ou déchéance) de l’autorité parentale pour un parent? 

Il est possible de perdre l’entièreté de son autorité parentale, mais également de perdre uniquement une partie de son autorité parentale. On parle alors d’une « déchéance complète de l’autorité parentale » ou d’une « déchéance partielle de l’autorité parentale ».

La déchéance complète de l’autorité parentale

La déchéance complète de l’autorité parentale vient retirer au parent l’entièreté de ses attributs envers l’enfant, soit : la garde, la surveillance, l’éducation, l’entretien, etc.

Le parent n’a donc plus son mot à dire quant à l’entièreté des décisions prises envers son enfant. Toutefois, cette mesure ne rompt pas le lien de filiation avec l’enfant. Le nom du parent déchu demeure donc sur le certificat de naissance de l’enfant. L’enfant pourra toutefois faire une demande de changement de nom, s’il ne désire plus porter le nom de famille du parent déchu.

Puisque la déchéance de l’autorité parentale ne rompt pas le lien de filiation, l’obligation alimentaire du parent envers son enfant existe toujours. Le tribunal peut donc à la fois déchoir totalement ou partiellement un parent de son autorité parentale et lui ordonner de payer une pension alimentaire pour les besoins de l’enfant.

Tel que mentionné précédemment, le parent déchu perd ses droits envers son enfant. Cette perte peut avoir différents impacts au quotidien. Entre autres, le parent déchu ne peut toucher à l’héritage de son enfant décédé, et ce, même si la loi prévoit normalement qu’un parent hérite de son enfant. 

À l’inverse, la déchéance ne fait perdre aucun droit à l’enfant. Ainsi, l’enfant conserve son droit d’hériter de son parent déchu décédé.

La déchéance partielle de l’autorité parentale

La déchéance partielle de l’autorité parentale vient retirer au parent un ou plusieurs de ses droits et obligations envers l’enfant et non l’entièreté de ceux-ci. Par exemple, le parent pourrait perdre son droit de donner son opinion quant au choix de l’école de l’enfant, mais en avoir toujours la garde à raison d’une fin de semaine sur deux. 

Exemple : Rym est âgée de 10 ans. Ses parents sont Rachel et Éric. L’année dernière, Éric a déposé contre Rachel une demande en déchéance partielle de l’autorité parentale devant la Cour supérieure. Rachel s’est vue retirer une composante de l’autorité parentale, à savoir « l’éducation ». Ainsi, Éric peut maintenant inscrire Rym à l’école de son choix, sans tenir compte des préférences de Rachel ou de son opinion.

Comment obtenir le retrait (la déchéance) de l’autorité parentale? 

Seul le tribunal peut ordonner la déchéance de l’autorité parentale d’un parent. Vous devez ainsi déposer une demande en justice à cet effet. Pour ce faire, n’hésitez pas à communiquer avec nos avocats en droit familial, qui sauront rédiger pour vous la procédure judiciaire appropriée et vous accompagneront tout au long du processus judiciaire.

Contacter un avocat

Il importe de souligner que la déchéance de l’autorité parentale n’est pas facilement accordée par le tribunal. La Cour suprême du Canada reconnaît que : « la déchéance est une mesure radicale, quoique nécessaire, de contrôle de l’autorité parentale ».

Pour qu’un juge accepte de retirer l’autorité parentale d’un parent auprès de son enfant, deux critères doivent être rencontrés et prouvés :

  1. L’existence d’un motif grave qui justifie de retirer totalement ou partiellement l’autorité parentale du parent;
  1. Et qu’il soit dans l’intérêt de l’enfant que l’autorité parentale de ce parent soit retirée.

Qu’est-ce qu’un « motif grave » justifiant le retrait de l’autorité parentale? 

Il est possible de définir l’expression « motif grave » en analysant la jurisprudence. Or, nous savons que cet exercice n’est pas évident pour un citoyen ne possédant pas de formation juridique. 

Nos avocats en droit de la famille ont déjà représenté plusieurs parents pour ce type de demandes et sauront vous éclairer à savoir s’il y a présence d’un motif grave dans votre situation ou non. N’hésitez pas à les contacter.

À titre d’exemples, voici quelques situations qui ont été considérées comme des motifs graves pouvant mener à la déchéance de l’autorité parentale : 

  • Un abandon volontaire et inexcusable du parent ;
    • L’abandon doit être prolongé et sans équivoque. Selon une décision rendue par la Cour d’appel du Québec en 2019, une absence du parent dans la vie de son enfant de plus de quatre ans permet de conclure à un abandon ;
    • Pour qu’il soit jugé « inexcusable », il faut que cet abandon ne soit pas justifié par le parent ou par une situation quelconque. L’absence d’un parent au motif qu’il est incarcéré a, dans le passé, été jugée comme « excusable » par les tribunaux ;
    • Le paiement d’une pension alimentaire par le parent, et ce, malgré un abandon volontaire et inexcusable de sa part, est pris en compte par les tribunaux lorsqu’il est question de déterminer si la déchéance de l’autorité parentale est justifiée ;
  • Une atteinte à la sécurité de l’enfant;
    • Par exemple, un parent qui laisse l’enfant seul en présence d’une personne dangereuse ;
    • Par exemple, un parent qui a un important problème de toxicomanie, de sorte qu’il s’intoxique lorsqu’il a la garde de son enfant et le met sévèrement en danger ;
  • Un comportement violent envers l’enfant ;
    • Par exemple, le frapper, lui crier après, le menacer, etc. ;
  • Un geste grave envers l’enfant;
    • Par exemple, un ou des abus sexuels.

Finalement, si le tribunal est d’avis qu’il n’y a pas de motif grave justifiant de prononcer la déchéance complète de l’autorité parentale, il peut tout de même intervenir et prononcer une déchéance partielle de l’autorité parentale. Par exemple, le tribunal peut retirer le droit de garde d’un parent absent depuis un certain temps et retirer la nécessité d’obtenir son autorisation pour les questions médicales, scolaires, les autorisations de soins, les demandes de passeport et les autorisations de voyage. Cela permet à l’autre parent d’exercer son autorité parentale seul relativement à ces sujets spécifiques, malgré l’absence de l’autre parent.

Le critère de l’intérêt de l’enfant

Le second critère que le tribunal analysera avant de prononcer ou non la déchéance complète ou partielle de l’autorité parentale est l’intérêt de l’enfant.

Dans la plupart des situations, la présence d’un motif grave implique par défaut qu’il est dans l’intérêt de l’enfant que la déchéance soit prononcée. Toutefois, dans certaines circonstances, il peut arriver qu’il ne soit pas dans l’intérêt de l’enfant de prononcer la déchéance de l’autorité parentale malgré la présence d’un motif grave. Cela pourrait être le cas, par exemple, lorsqu’un parent a abandonné son enfant depuis plus de 4 ans, mais que celui-ci, en cours de procédure, se manifeste et témoigne à l’effet qu’il désire occuper une place dans la vie de l’enfant.

Pourquoi demander le retrait de l’autorité parentale?

Le retrait de l’autorité parentale peut être une manière d’assurer la sécurité de votre enfant. Il ne s’agit pas d’une « punition » à donner à un parent, mais bien une mesure de protection pour un enfant.

Exemple : Rien ne va plus entre Andréanne et Olivier. Ils se séparent et Olivier exerce une garde exclusive de leur garçon, Antoine. Alors que Andréanne était accompagnée de l’enfant, elle l’a frappé au visage puisqu’elle était « tannée de l’entendre pleurer ». Olivier et des voisins ont été témoins de la scène. Olivier croit qu’il serait dans l’intérêt d’Antoine que l’autorité parentale d’Andréanne soit retirée. En effet, l’enfant est en danger lorsqu’il est avec celle-ci. Andréanne n’est pas en mesure d’apporter soins et affection à l’enfant. Il présente donc une demande au tribunal. Lors de l’audition, Julien témoigne de l’événement de violence devant la juge et relate d’autres actes de violence survenus dans le passé. Il témoigne également à l’effet que la déchéance permettrait de protéger Antoine. Celle-ci est donc, selon Olivier, dans son intérêt. Lors de son témoignage, Andréanne avoue avoir été violente envers l’enfant. Une fois l’audition terminée, la juge devra analyser si Olivier a démontré un motif grave justifiant la déchéance et si une telle déchéance sert l’intérêt de l’enfant.

Attention! Un parent ne peut demander le retrait de l’autorité parentale de l’autre dans l’unique but que son nouveau conjoint adopte l’enfant. Il faut comprendre qu’une telle demande doit être faite dans l’intérêt de l’enfant. 

Difficultés dans l’exercice de l’autorité parentale

Tel que mentionné précédemment, la déchéance de l’autorité parentale n’est pas le remède à tous les maux. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle.

Lorsqu’un parent rencontre des difficultés dans l’exercice de son autorité parentale, notamment en raison de l’intervention de l’autre parent, d’autres types de recours peuvent être entrepris de façon ponctuelle. 

Par exemple, il est possible de s’adresser au tribunal afin d’obtenir une permission de voyager avec l’enfant (lorsque l’autre parent s’y oppose fermement) ou encore recevoir l’autorisation d’obtenir des soins médicaux pour l’enfant, sans le consentement de l’autre parent.

Nos avocats en droit familial peuvent vous aider à présenter ce type de demandes au tribunal.

Contacter un avocat

Qui peut demander la déchéance de l’autorité parentale ?

Toute « personne intéressée » peut demander la déchéance de l’autorité parentale à l’égard des parents d’un enfant.

Les tribunaux considèrent que le terme « personne intéressée » doit être interprété de manière large. C’est donc dire qu’une personne intéressée peut être la grand-mère de l’enfant, et ce, même si elle n’a pas la garde de l’enfant.

Un parent peut-il lui-même prétendre être une « personne intéressée » et demander au tribunal de prononcer la déchéance de sa propre autorité parentale? À cet effet, la Cour supérieure arrive à la conclusion que non : « Même si le Tribunal devait en venir à la conclusion qu’il y a eu de la part de monsieur manquement «injustifié » à son devoir de parent, donc faute, le Tribunal est d’avis que monsieur ne pourrait invoquer sa propre turpitude, comme il prétend pouvoir le faire ici. » (Source : C. H. c. J.-F. L., 2004 CanLII 20702 (QC CS))

Un parent déchu peut-il récupérer son autorité parentale? 

La déchéance de l’autorité parentale n’est pas irréversible. Dans de rares cas, un parent déchu pourra récupérer son autorité parentale. 

Il appartient au parent déchu de convaincre le tribunal qu’il doit regagner ses droits et que cela est dans l’intérêt de l’enfant. Le tribunal tiendra compte des motifs graves ayant mené à la déchéance du parent. Le parent doit démontrer qu’il existe des circonstances nouvelles justifiant de récupérer son autorité parentale. Enfin, le parent doit démontrer qu’il est en mesure d’assumer pleinement ses responsabilités parentales.

Exemple : Le tribunal a restitué l’autorité parentale d’un père qui était absent depuis plusieurs années dans la vie de son enfant. Les circonstances nouvelles amenées par le père concernant son emploi, soit sa retraite des Forces armées canadiennes et son déménagement dans la région de l’enfant. Également, le motif grave justifiant la déchéance du père n’était pas une atteinte à la sécurité de l’enfant, mais plutôt un abandon de l’enfant. 

Source : Droit de la famille — 17467, 2017 QCCS 929 (CanLII), appel accueilli uniquement pour reformuler le dispositif du jugement : Droit de la famille — 18454, 2018 QCCA 368 (CanLII)

Attention : Un parent déchu de son autorité parentale ne peut récupérer celle-ci si l’enfant a été adopté après le prononcé de la déchéance. En effet, l’adoptant devient titulaire de l’autorité parentale envers l’enfant qu’il a adopté.

Contactez nos avocats en droit de la famille

Une demande de déchéance de l’autorité parentale est une procédure exceptionnelle, complexe et soumise à des critères stricts.

Afin d’être bien conseillé, n’hésitez pas à contacter nos avocats en droit de la famille.

Nos avocats seront notamment en mesure de :

  1. Répondre à vos questions quant à la déchéance de l’autorité parentale et ses effets ;
  2. Évaluer, selon votre situation, les chances que votre demande en déchéance de l’autorité parentale (ou la demande qui vous est adressée) soit acceptée ou rejetée ;
  3. Rédiger votre procédure judiciaire en demande de déchéance de l’autorité parentale (ou votre défense face à une telle demande qui s’avère injustifiée) ; 
  4. Vous représenter devant le tribunal et faire valoir vos droits ;
  5. Vous proposer des alternatives pour résoudre les difficultés rencontrées, si la déchéance de l’autorité parentale n’est pas le recours approprié.

Contacter un avocat


Note : Les informations présentées ci-dessus sont d'ordre général et ne constituent pas des conseils juridiques. Afin d'obtenir un avis sur votre situation juridique particulière, n'hésitez pas à communiquer avec l’un de nos avocats de Québec, Lévis ou Montmagny.

Me Jérôme Harrisson
Me Jérôme Harrisson

Me Jérôme Harrisson est avocat et pratique en droit de la famille, droit des personnes et droit de la jeunesse chez Verreau Dufresne Avocats.


Articles récents



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *